Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça secoue pas mal en ce moment sur le plan de l’économie mondiale. L’industrie horlogère suisse, reconnue pour son savoir-faire et pour la qualité de ses montres, ne fait pas exception à la règle et connaît, elle aussi, une période tumultueuse. En effet, les récentes décisions du président américain Donald Trump d’imposer des tarifs douaniers substantiels sur les importations suisses ont suscité de vives inquiétudes parmi les horlogers helvétiques. Cet article se propose d’examiner en profondeur les répercussions potentielles et actuelles de ces mesures sur ce secteur. Le tout sur fond de moratoire des droits de douane (suspension d’une partie des droits réciproques pour 90 jours, soit une taxe de 10 % au lieu de 31 %).
Tarifs douaniers imposés par Trump et importance du marché américain pour l’horlogerie suisse
Le 2 avril 2025, le président Donald Trump a annoncé l’instauration de nouveaux tarifs douaniers visant plusieurs partenaires commerciaux des États-Unis. Parmi ces mesures, une taxe de 31 % sur les importations en provenance de la Suisse a été particulièrement remarquée, puisqu’elle est l’une des plus élevées comparée aux 20 % appliqués aux produits de l’Union européenne et aux 10 % pour le Royaume-Uni.
Comme vous le savez, cette décision s’inscrit dans une volonté clairement affichée par l’administration américaine de réduire le déficit commercial et de favoriser la production nationale.
Une très mauvaise nouvelle donc, puisque les États-Unis représentent le principal marché d’exportation pour les montres suisses, absorbant environ 16,8 % des exportations, soit une valeur de 4,4 milliards de francs suisses. Cette part significative souligne la dépendance de l’industrie horlogère suisse vis-à-vis du marché américain.
De fait, l’imposition de ces nouveaux tarifs douaniers menace directement une portion substantielle des revenus des horlogers suisses.
Surtout que moins d’une semaine plus tard, le gouvernement Trump fait machine arrière et a suspendu le 9 avril 2025 une partie des droits réciproques pour 90 jours. Une menace qui pèsera donc à nouveau dans moins de 3 mois…
Réactions des acteurs de l’industrie horlogère
L’annonce des tarifs a provoqué une onde de choc parmi les professionnels de l’horlogerie. Lors du salon Watches and Wonders 2025 à Genève, l’inquiétude était palpable. Des acteurs tels que Clement Fehrenbacher, de Le Cercle des Horlogers, ont exprimé leur préoccupation quant à l’avenir, anticipant une baisse importante des ventes et une année difficile pour le secteur.
Des marques comme Christopher Ward ont déjà annoncé que les consommateurs américains devront assumer la taxe de 31 % sur les montres suisses importées. Cette répercussion directe sur les prix pourrait entraîner une diminution de la demande aux États-Unis, les acheteurs étant confrontés à des coûts nettement plus élevés.
Des conséquences économiques et stratégiques
Les implications de ces tarifs sont multiples :
Augmentation des prix pour les consommateurs
Une montre suisse vendue 10 000 $ pourrait voir son prix augmenter de 3 100 $ en raison de la taxe, portant le coût total à plus de 14 000 $ après ajout des taxes locales.
Réduction des marges pour les fabricants et détaillants
Face à une demande potentiellement en baisse, les marques et les détaillants pourraient être contraints de réduire leurs marges bénéficiaires pour maintenir leur compétitivité.
Révision des chaînes d’approvisionnement
Certaines entreprises envisagent de rediriger leur commerce vers des pays avec des tarifs moins élevés ou de diversifier leurs marchés pour atténuer l’impact des taxes américaines.
Retombées sur les petites marques
Les marques indépendantes et de plus petite taille qui réalisent une part importante de leurs ventes aux États-Unis, pourraient être particulièrement vulnérables. Serge Michel, fondateur d’Armin Strom, a exprimé ses inquiétudes quant à la nécessité d’absorber une partie des coûts pour éviter une hausse trop importante des prix pour les consommateurs.
Réponse de la Suisse aux annonces tarifaires
En réponse à ces mesures, la présidente suisse Karin Keller-Sutter a engagé des discussions avec le président Trump, exprimant son optimisme quant à la possibilité de parvenir à de nouveaux accords commerciaux dans un avenir proche. La Suisse a d’ailleurs exclu des contre-mesures immédiates, privilégiant une approche diplomatique pour résoudre le problème.
Par ailleurs, le 9 avril 2025, le président Trump a annoncé une pause de 90 jours sur l’application des tarifs réciproques, offrant ainsi un délai supplémentaire pour les négociations. Cette suspension temporaire pourrait permettre aux deux nations de trouver un terrain d’entente et d’éviter des perturbations majeures pour l’industrie horlogère suisse.
Perspectives et adaptations futures
Face à cette incertitude, les horlogers helvétiques n’ont d’autre choix que d’envisager des stratégies d’adaptation pour préserver leur compétitivité et amortir l’impact des tarifs douaniers.
L’une des pistes les plus évoquées est la diversification des marchés. En réduisant leur dépendance vis-à-vis des États-Unis, notamment en renforçant leur présence dans des zones géographiques moins exposées aux tensions commerciales — comme l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient ou certains pays d’Amérique latine — les marques suisses pourraient retrouver une certaine marge de manœuvre.
Dans le même temps, l’optimisation des coûts de production apparaît comme une nécessité. Repenser certaines étapes de la fabrication, investir dans des technologies plus pointues ou rationaliser les chaînes logistiques pourrait permettre de compenser en partie la hausse des frais sans pour autant compromettre la qualité, socle de la réputation helvétique.
Enfin, l’innovation reste un levier central. En proposant des modèles à forte valeur ajoutée — qu’il s’agisse de créations à complications, de séries limitées ou de collaborations exclusives — les marques pourront non seulement maintenir l’intérêt des collectionneurs, mais aussi justifier des prix plus élevés auprès d’une clientèle prête à investir dans des pièces d’exception.
Les premières répercutions concrètes
Le 16 avril dernier, c’est le groupe Swatch qui a annoncé vouloir augmenter le prix d’une partie de ses montres. Le groupe Swatch a en effet annoncé une augmentation des prix de certains modèles de montres vendus aux États-Unis suite à la chute du dollar américain face au franc suisse et à l’imposition par les États-Unis de droits de douane plus élevés sur les importations suisses. Un porte-parole de Swatch Group a confirmé que l’entreprise augmentait les prix de certaines marques, invoquant « deux raisons principales » : la variation importante des taux de change entre les monnaies américaine et suisse et la hausse des droits de douane.
Le groupe Swatch contrôle de nombreuses marques horlogères suisses, dont Omega, Breguet, Blancpain, Tissot, Glashütte Original et sa marque éponyme Swatch. Le porte-parole a refusé de préciser quelles marques seraient impactées et dans quelle mesure. Des sources proches du dossier ont indiqué s’attendre à ce que les prix des marques Blancpain et Glashütte Original, de fabrication allemande, soient les premiers touchés.
Le 15 avril dernier, c’est Rolex qui en a fait de même. La marque augmentera ses prix aux États-Unis le mois prochain en réponse aux droits de douane à l’importation. L’entreprise genevoise augmentera ses prix chez les détaillants américains de 3 % en moyenne à compter du 1er mai, selon des sources proches du dossier. Ces hausses de prix sur le marché américain font suite aux droits de douane de 10 % imposés par l’administration Trump sur la plupart des produits suisses, y compris les montres.
En conclusion, il est indéniable que les tarifs imposés par l’administration Trump représentent un défi majeur. Toutefois, grâce à leur résilience et leur capacité d’innovation, les horlogers suisses disposent des atouts nécessaires pour naviguer dans ce contexte complexe et n’arrêteront certainement pas demain de séduire les amateurs de montres à travers le monde. Et ce taxes ou pas taxes !
Sources : Business Insider, Hodinkee
Reto Weber
5 mai 2025 à 10 h 45 minBlancpain wird nicht in Deutschland gefertigt.