Le marché secondaire des montres de luxe, longtemps cantonné aux collectionneurs avertis, est devenu en 2024 un véritable thermomètre des aspirations horlogères. C’est ce que nous révèle l’analyse annuelle de Chrono24, place de marché incontournable de l’horlogerie mondiale.
En scrutant les modèles les plus recherchés et les marques en plein essor, la plateforme dresse un portrait fascinant des préférences actuelles du public. Et là, surprise : ce ne sont pas toujours les noms les plus prévisibles qui tirent leur épingle du jeu. On vous dit tout.
Cartier, roi du podium
(Tank Louis Cartier)
Longtemps considérée comme une Maison joaillière avant d’être horlogère, Cartier s’impose en 2024 comme la marque la plus dynamique sur le marché secondaire. Sa progression est impressionnante avec une augmentation de 23,8 % de parts de marché par rapport à 2023.
En seulement quatre ans, elle a vu son volume de transactions grimper de 3 % à 5 %, soit un bond de 66 %. Cette ascension est portée par deux icônes indémodables : la Tank (+30,9 %) et la Santos (+27,7 %), qui dominent les deux premières places du classement des modèles les plus prisés.
Au-delà de leur design incroyablement séduisant, ces garde-temps incarnent un retour en force des formes rectangulaires et des cadrans à chiffres romains, éléments visuels qui résonnent avec la tendance actuelle.
Vacheron Constantin : la discrète en pleine lumière
Juste derrière Cartier, Vacheron Constantin enregistre une croissance de 12 % sur le marché secondaire. La manufacture genevoise, souvent dans l’ombre des mastodontes Patek Philippe et Audemars Piguet, séduit de plus en plus grâce à un positionnement habile : une qualité irréprochable, un look raffiné, et des prix (relativement) contenus.
Le modèle 222 en acier, réédité récemment, suscite un engouement notable. Signée Gérald Genta, comme la Royal Oak ou la Nautilus, la 222 se négocie actuellement à trois fois son prix catalogue – preuve que la convoitise monte vite quand design et rareté se rencontrent !
Vacheron Constantin 222
Tudor, Seiko, Omega : des références toujours plébiscitées
La troisième place revient à Tudor, avec une hausse de 8,6 %, malgré une baisse des prix observée depuis 2022. Le succès de la Black Bay (+12,3 %) confirme l’attrait pour les plongeuses vintage revisitées, capables d’offrir un compromis idéal entre esthétique, fiabilité et accessibilité.
Seiko, avec +7,4 %, affiche une belle progression. La maison japonaise continue de conquérir les fans de belles mécaniques abordables. Dans un contexte où l’horlogerie indépendante gagne du terrain, Seiko tire tout de même son épingle du jeu grâce à une image authentique et un rapport qualité-prix imbattable.
Du côté des mastodontes, Omega (+4,9 %), Jaeger-LeCoultre (+3,4 %) et TAG Heuer (+3 %) restent dans le peloton de tête. L’Omega Seamaster (+5,9 %) et la Speedmaster (+4,1 %) conservent leur popularité auprès des aficionados d’histoire spatiale et de plongée.
Patek Philippe et Breitling : les valeurs patrimoniales
Au sein de la Haute Horlogerie traditionnelle, Patek Philippe reste un incontournable. Le segment des complications affiche une croissance de 13,6 %, tandis que la Calatrava connaît également un regain d’intérêt (+5,2 %). Des pièces qui conjuguent excellence technique et prestige patrimonial.
Côté sport-chic, la Breitling Navitimer grimpe de 11,9 %. Une belle performance pour ce chronographe historique qui continue de séduire pilotes et aventuriers.
Les outsiders qui montent
Du côté des marques encore marginales en termes de parts de marché (moins de 1 %), certaines montrent des signes très prometteurs. C’est notamment le cas d’Hermès qui s’offre une croissance spectaculaire de 55,6 %. Forte de son savoir-faire artisanal et de sa distinction, la Maison parisienne attire une clientèle en quête d’élégance discrète.
Même constat pour Piaget, proche esthétiquement de Cartier, et pour Universal Genève, fraîchement relancée sous la houlette de Breitling. Ces deux noms enregistrent des hausses proches de 50 %, suggérant un réveil de certaines marques historiques quelque peu oubliées.
Tendances design : un retour aux fondamentaux
Au-delà des marques et des modèles, l’analyse de Chrono24 met en lumière des tendances stylistiques fortes :
- Les montres elliptiques ont progressé de 15,4 % sur un an.
- Le cadran doré (+16 %) fait son retour, éclipsant les éternels noirs, blancs et bleus.
- L’or rose s’impose comme matériau vedette (+9 %), devançant l’acier et l’or jaune.
- Les chiffres romains gagnent 10,7 % de parts, en écho direct au style Cartier.
- Les boîtiers rectangulaires enregistrent une croissance moyenne annuelle de 6 % depuis 2020.
Ces choix esthétiques témoignent d’un attrait renouvelé pour les codes classiques, raffinés, loin de certaines extravagances récentes.
Une horlogerie en pleine mutation
L’étude Chrono24 le montre avec clarté : les marques qui gagnent du terrain en 2024 sont celles qui cultivent un héritage fort, une identité visuelle claire, et un positionnement tarifaire judicieux. Cartier et Vacheron Constantin, en tête, ont réussi à allier héritage horloger et attrait contemporain.
Quant aux outsiders, ils prouvent que le marché secondaire reste un terrain fertile pour les marques audacieuses, capables de proposer une vision différente de l’horlogerie.
Au-delà des chiffres, ce que révèle cette analyse, c’est l’évolution du goût horloger contemporain. Loin d’être figé, il est porté par un subtil mélange de nostalgie, de quête de sens et de sophistication. En 2024, la montre de luxe n’est pas qu’un statut ou un placement : elle est le reflet d’une personnalité, d’une sensibilité esthétique, d’un choix assumé. Ce que l’on retient, c’est surtout un amour croissant pour le style, l’histoire et les belles mécaniques. Maintenant, que nous réserve 2025, une année déjà bien entamée ? Surprise, surprise…