Entretien avec Maxime Herbelin, directeur marketing de Herbelin

Mr Montre propose une rubrique baptisée « Entretien avec » qui permet de faire le point sur les activités d’un acteur du marché de l’horlogerie. Après François Moreau, le CEO et fondateur de RESERVOIR Watch, Nicolas Boutherin, le co-fondateur et directeur artistique de la marque Klokers, Yohan Bizy, le Directeur Général France de Frédérique Constant, Vincent Coquet, le directeur d’Oris France, Etienne Malec, le fondateur et patron de la marque Baltic Watches, Franz Linder, le CEO de la marque Mido, Lilian Thibault, le fondateur et patron de la marque Awake Concept, et Federico Restrepo, le fondateur de la marque Restrepo Watches, c’est au tour de Maxime Herbelin, le directeur marketing de la marque Herbelin, d’accepter de répondre à nos questions.

Maxime Herbelin bonjour, la Maison horlogère Michel Herbelin, basée à Charquemont dans le Doubs, fête cette année ses 75 ans d’existence. Après Michel, le fondateur, puis Jean-Claude et Pierre-Michel, ses fils, ce sont désormais les petits-fils Mathieu et vous-même, qui dirigent la société (avec Cédric Gomez Montiel, DG, et Benjamin Theurillat, chargé des achats) et qui souhaitent donner un coup de jeune à la marque. D’où un changement de nom : de « Michel Herbelin » à « HERBELIN », en lettres majuscules ?

(nouveau logo / ancien logo)

Maxime Herbelin : C’est effectivement une nouvelle direction qui permet à la marque d’être plus moderne, plus visible, plus impactante. Et la marque HERBELIN regroupe désormais toute la famille, pas uniquement mon grand-père.

Le choix des lettres majuscules se justifie par notre volonté de nous tourner vers l’avenir, de montrer la force de notre marque et d’être mieux identifié.

Pouvez–vous nous présenter Herbelin en chiffres ? Nombre de salariés en France, parts de marché, nombre de montres vendues chaque année, prix moyen d’une montre…

La marque Herbelin emploie près de 90 salariés et a réalisé, en 2021, avec un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros, dont 45 à 50 % à l’international. La France reste évidemment un marché historique, notre marché numéro 1. Le groupe Herbelin, qui englobe la marque éponyme et nos activités annexes, compte plus de 100 salariés.

Herbelin propose des montres de belle facture dans un segment de prix allant de 300 à 3 000 €. Elles sont équipées exclusivement de mouvements suisses.

En 2021, la production annuelle a atteint 85 000 montres distribuées dans 2500 points de vente à travers 50 pays. Nous avons réussi à nous développement assez fortement ces dernières années en Europe : au Royaume-Uni, en Allemagne, au Bénélux, Espagne (ouverture en 2022) et en Scandinavie notamment. Le grand export est plus difficile à travailler, effet covid oblige. Nous avons donc commencé par les pays limitrophes qui ont les mêmes envies de produits et des choix stylistiques proches de ce que nous proposons actuellement.

Quel est le profil type d’un acheteur d’une montre Herbelin ? A–t–il évolué ces dernières années ? Vous semblez cibler de plus en plus les jeunes et les femmes.

Oui tout à fait. Le profil type est difficile à évaluer. Les retours que nous pouvons avoir montrent tout de même que nos clients sont multigénérationnels. Quand une montre Herbelin entre dans une famille, les gens sont très prescripteurs, notamment grâce au côté français et qualitatif.

Les jeunes des années 90 ne sont plus les mêmes que ceux des années 2020. Il nous faut chercher à impressionner, à amener de la désirabilité autour de la marque. L’idée est non pas de toucher les très jeunes mais de rajeunir la perception de la marque. Les jeunes d’hier ont également évolué avec notre marque.

Historiquement, depuis l’arrivée du quartz dans les années 70, les créations féminines que nous proposons représentent presque 50 % des modèles proposés par Herbelin, et et près de 50 % du chiffre d’affaires. C’est aussi notre force. Nous ne proposons pas pour les femmes des réductions de montres d’hommes.

Nous avons des montres entièrement conçues pour les femmes, comme le modèle Antarès, créé en 2007, avec son système breveté de bracelet interchangeable. Nous avons la chance qu’il soit porté par la Première dame depuis de nombreuses années.

La gamme de montres Herbelin est très large, de la dress watch au chronographe en passant par des plongeuses ou des montres pour femmes… Quels sont les modèles de montres les plus populaires de la marque ?

Notre gamme Newport fêtera ses 35 ans l’année prochaine : c’est un modèle iconique pour la marque. Nous avons donc déjà parlé de la gamme Antarès qui est notre figure de proue pour les modèles féminins.

Je peux citer également Cap Camarat, une réédition d’un modèle des années 1960 créé par Michel Herbelin, qui se trouve dans la mouvance des montres avec boîtier intégré.

(Herbelin Newport Automatique / Herbelin Cap Camarat)

Vous proposez des montres équipées de mouvements suisses à quartz (Ronda) ou automatiques (Sellita). Pensez–vous à terme développer vos propres calibres manufacture ?

La volonté de monter en gamme, pourquoi pas, mais monter en gamme veut dire aussi monter en compétences. Nous avons la chance de travailler très étroitement avec Sellita et nous avons la possibilité d’avoir des développements spécifiques pour notre marque. Nous nous appuyons sur leurs compétences et nous amenons notre touche (design ou complications notamment). Nous n’avons donc pas de réel intérêt à proposer un calibre manufacture.

Nous créons et assemblons les montres en France. Nous avons la chance de travailler localement, nous sommes très proches de la frontière suisse, à 10 km à vol d’oiseaux de notre fournisseur de mouvements. Il n’y a pas de volonté de changer  juste pour changer. J’ai plutôt tendance à vouloir renforcer nos liens avec des acteurs incontournables et historiques comme Sellita plutôt que de nous tourner tout de suite vers d’autres acteurs, même français, qui n’ont pas encore éprouvé leur fiabilité.

Comment comptez–vous développer la notoriété de la marque en France dans les prochains mois ?

Très bonne question, j’aimerai avoir la réponse (rires). Il y a déjà deux changements qui ont été opérés et qui sont visibles en 2022 : le changement d’identité avec une charte graphique spécifique, des codes spécifiques dans les prises de parole, et de nouvelles PLV en 2023.

Et nous avons la chance d’avoir ouvert notre première boutique Herbelin à Paris dans le quartier Saint-Germain qui permet un rayonnement français bien sûr, mais aussi international. Le quartier Saint-Germain est en effet connu dans le monde entier.

Vous venez d’ouvrir une boutique physique de 140 m2 située quartier Saint-Germain-des-Prés (58 de la rue Bonaparte) à Paris. Est-ce un moyen d’assoir la légitimité de la marque ? Quels types de clients attendez-vous à cette adresse ?

Ça fait quelques années que nous voulions ouvrir notre boutique, avant même la crise Covid. Nous voulions montrer que Herbelin est une marque légitime. La boutique est à notre image : moderne avec un respect des codes architecturaux de Saint-Germain tout en apportant notre vision pour montrer librement toutes nos créations.

Nous y attendons tous types de clients, des connaisseurs des montres Herbelin à celles et ceux qui découvrent nos créations. Nous y attendons également des touristes étrangers qui n’ont pas une connaissance de la marque très aigüe.

Vous venez également de racheter cet été le bijoutier MRC, situé dans la Drôme, qui conçoit et distribue les bijoux Jourdan, Charles Garnier Paris, N°3 et Green Time. Son CA serait proche des 5 millions d’euros. Et depuis 2019, vous avez créé une filiale, Wide, chargée de distribuer des montres d’autres marques comme Sarlane (marque de bijoux plus accessibles) et Wolf (coffrets à bijoux). Est-ce pour vous un moyen de diversifier vos activités et « résister » malgré la crise (financière et sanitaire) 75 ans de plus ?

J’espère ! La diversification est voulue. Avec Herbelin, nous sommes bloqués dans un créneau de prix. Le marché de l’horlogerie est de plus cyclique avec des hauts et des bas. Le bijou n’est pas le même métier que celui de l’horlogerie mais c’est un profil cousin.

Et il permet de plus d’adresser de nouveaux clients, sur des gammes de prix plus étendues.  Nous voulons devenir un acteur incontournable du marché du bijou et de l’horlogerie, accessible et/ou haut de gamme. Il fallait donc (re)structurer l’entreprise pour être présent sur ces deux secteurs.

La croissance externe n’est pas exclue pour autant même si la croissance interne est celle que nous privilégions aujourd’hui.

En dehors des montres Herbelin, quelles sont les 3 montres qui vous font le plus rêver ?

Dans ma collection, il s’agit de la première Newport, à quartz, très clivante à cause de son design qui reprend le hublot d’un bateau avec des couleurs peu communes (bleu profond, plaqué or). Cette montre a permis de tirer la marque vers le haut dans les années 1990.

Le deuxième modèle va sortir dans quelques semaines : Newport Carbon TI (titane). Il a été conçu avec Aurélien Ducroz, le champion du monde de Class40 2022 (bateaux). Il représente tout notre savoir-faire : un design affirmé, un mouvement compliqué et des matériaux techniques.

Je peux également citer la marque Grand Seiko s’agissant des marques de montres « non Herbelin ». Ils proposent des modèles au design discret mais extrêmement bien finis. Grand Seiko, c’est le charme discret de la qualité. J’aime bien la marque Zenith également, avec le premier chrono El Primero si on parle de montres vintage.

Maxime Herbelin, je vous remercie.