Entretien avec Vincent Coquet, directeur d’Oris France

Mr Montre propose depuis le début de l’année une rubrique baptisée « Entretien avec » qui permet de faire le point sur les activités d’un acteur du marché de l’horlogerie. Après François Moreau, le CEO et fondateur de RESERVOIR Watch, Nicolas Boutherin, le co-fondateur et directeur artistique de la marque Klokers, et Yohan Bizy, le Directeur Général France de Frédérique Constant, c’est au tour de Vincent Coquet, le directeur commercial et marketing d’Oris France, d’accepter de répondre à nos questions.

Vincent Coquet bonjour. Oris est un acteur suisse fondé en 1904 à Hölstein. Comment se positionne la marque face à d’autres manufactures suisses ?

Vincent Coquet : Oris est l’une des dernières maisons indépendantes suisses. Le propriétaire de la marque est encore aujourd’hui notre président et reste majoritaire dans la société. Le positionnement d’Oris est de plus de proposer uniquement des montres mécaniques. Elles peuvent être automatiques ou à remontage manuel mais nous ne proposons donc aucun modèle à quartz.

Le prix moyen d’une montre Oris est situé entre 2 000 et 2 500 €, ce qui fait que nos concurrents directs sont Tudor (avec la 58 notamment) qui est la marque qui nous ressemble le plus, Breitling sur le haut de gamme, Longines (gamme Spirit) ou Tag Heuer. Nous avons des produits plutôt typés sport : 50 % des ventes de montres Oris se font sur des montres de plongée.

Pouvez-vous nous présenter Oris en chiffres ? Nombre de salariés dans le monde et en France, parts de marché, nombre de montres vendues chaque année…

Oris compte une dizaine de salariés en France contre près de 300 dans le monde. Il est difficile de donner des parts de marché, le monde de l’horlogerie étant très concurrentiel et les chiffres de Morgan Stanley, qui publie régulièrement des classements des marques qui génèrent le plus de chiffre d’affaires, sont difficiles à vérifier. Il peut y avoir des variations de près de 30 % entre les chiffres annoncés et la réalité.

Je peux vous dire en revanche que la marque progresse à la fois en volume et en CA sur les trois dernières années. Pour être plus précis, depuis 2018, nous avons une croissance du CA de l’ordre de 8 à 10 % chaque année (ventes en magasin).

Quel est aujourd’hui le profil type d’un acheteur de montres Oris ? A-t-il évolué ces dernières années ?

Nos acheteurs sont majoritairement des hommes et des amateurs d’horlogerie. Mais il faut noter que nous sommes l’une des seules marques « neutres » en termes de genre. Sur notre site, il n’y a pas de distinction entre les montres pour hommes ou pour femmes.

Nous avons aujourd’hui deux types de clientèles : les connaisseurs qui acquièrent une montre Oris via nos partenaires revendeurs et une clientèle plus jeune qui découvre la marque dans nos deux boutiques physiques situées à Paris, quartier Montorgueil et Boulevard Saint-Germain. L‘âge moyen a évolué ces dernières années. Il était situé autour d’une cinquantaine d’années avant 2018. Depuis 2018, il tourne autour des 25 à 45 ans avec des hommes et femmes attachés à des valeurs d’indépendance, avec un esprit particulier. Nos clients ne choisissent pas uniquement une marque qui propose des produits esthétiques. Ils recherchent une marque authentique.

Quels sont les modèles de montres les plus populaires de la marque ?

Les montres de la gamme Aquis sont emblématiques de la marque. Elles représentent 50 % des ventes. Dans un esprit plongée toujours, la Sixty-Five est également un best-seller. Et la Big Crown Pointer Date n’a jamais quitté le catalogue depuis 1938. C’est LA signature de la maison.

Oris conçoit désormais une partie de ses calibres dont le déjà très réputé Calibre 400 qui propose 5 jours de réserve de marche et une garantie de 10 ans. Cela a-t-il eu un impact sur les ventes ?

Ce calibre a eu un impact assez incroyable sur les ventes de notre Aquis Calibre 400. Notre système de garantie électronique nous a permis de voir en direct les activations de la montre et de constater qu’elle a été l’une des plus vendues au niveau mondial en sell-out. La Calibre 400 est donc devenue notre meilleure vente. On a eu un vrai bonus avec ce nouveau calibre qui nous a permis de toucher une clientèle plus exigeante et d’avoir une montée en gamme naturelle, y compris en prix.

Depuis deux ans, Oris cherche à se développer en ouvrant des boutiques en son nom propre à Paris. Pourquoi une telle stratégie ?

Proposer une offre 100 % digitale est un souhait des marques horlogères pour maitriser leur marge. Pour avoir un prix de vente pas trop élevé, la distribution est forcée de s’orienter vers le digital. Oris est une marque créée en 1904 qui a toujours été présente sur le marché, même pendant la crise du quartz des années 1980. Nous avons donc toujours travaillé étroitement en relation avec nos partenaires revendeurs.

Avoir des points de vente en propre permet d’expliquer à nos clients et aux clients de nos revendeurs qui nous sommes réellement. Ce n’est pas toujours facile de comprendre une marque sur un présentoir de 50 cm de large (rires). Ces boutiques sont importantes et le client y est très sensible avec la possibilité notamment de prendre un café et discuter avec un vendeur sans forcément repartir avec une nouvelle montre.

Nous ne prévoyons pas d’ouvrir de nouveaux points de vente d’ici la fin de l’année, que ce soit à Paris ou dans d’autres villes de France. Détail important : ces deux boutiques sont rentables, ou en voie de l’être, et doivent le rester d’ailleurs. Nous avons ouvert notre première boutique dans le quartier Montorgueil, et non place Vendôme, car nous voulions montrer notre différence. Et nous avons ouvert en fin d’année dernière une boutique Oris boulevard Saint-Germain grâce à la crise sanitaire qui nous a permis d’avoir des tarifs locatifs très concurrentiels. Et il faut avouer que c’est un boulevard, connu à l’international, que nous aimons beaucoup.

L’ouverture de ces boutiques a-t-il un impact négatif sur les ventes en ligne ?

C’est difficile de comparer les deux canaux de vente car le e-commerce a été lancé avant le Covid, quasiment en même temps que nos boutiques. De plus, nous réalisons la plus grande part de notre chiffre d’affaires via les revendeurs. Le e-commerce reste donc pour nous un support accessoire. Bien qu’il représente un volume important, nous n’avons pas vocation à devenir une marque 100 % digitale.

Comment comptez-vous développer la notoriété de la marque en France dans les prochains mois ? Vous semblez notamment cibler désormais les plus jeunes et les amateurs de montres sensibles à l’écologie…

La marque est très engagée depuis une vingtaine d’années notamment au niveau social : nous sommes sensibles à l’écologie et nous proposons depuis (presque) toujours des conditions salariales valorisantes avec par exemple des logements dédiés pour nos employés. Nous travaillons également depuis longtemps avec des plongeurs et Hommes du milieu aquatique. Cela nous a permis de prendre conscience de l’importance de l’écologie et d’aider de nombreuses fondations.

L’ensemble de la gouvernance de l’entreprise a été transformée à cette occasion : nous sommes la première marque neutre en émission carbone, et nous proposons des écrins et emballages recyclés et/ou en matières recyclables. Nous allons même plus loin avec des packagings réutilisables. Nous proposons par exemple une pochette de transport en cuir végétal. Elle peut être utilisée pour transporter sa montre bien évidemment mais elle a été conçue pour être réutilisable, pour y glisser ses lunettes. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.

En dehors des montres Oris, quelles sont les 3 montres qui vous font le plus rêver ?

Je ne porte quasiment plus que des montres Oris (rires). Depuis 5 ans que je suis chez Oris, c’est compliqué de porter autre chose que des montres Oris car j’aime vraiment cette marque. Mais si je devais citer des modèles de montres qui me font rêver, je pourrais citer les trois suivantes :

• Omega Speedmaster CK2998 « First in space » : avec son diamètre parfait de 39,7 mm et son verre saphir.
• Patek Philippe Ellipse : c’est définitivement celle que j’aimerais avoir dans ma collection.
• Universal Genève Polerouter : l’horlogerie doit avoir un lien avec l’aventure, les histoires d’Homme… Elle fait partie des montres qui ont accompagné des grands exploits. J’aime notamment le modèle avec un cadran crème et avec les contours plus foncés.

Vincent Coquet, je vous remercie.